]Canard[
"Suis moi, me laisse pas tomber"
La seule phrase qu'il me repète à tue-tête.
Mais dois-je le suivre? Est-ce la meilleure solution?
Je
ne sais pas... Je ne sais plus... Mais mes jambes, elles, le suivent.
Elles se poursuivent inlassablement, passant l'une devant l'autre.
C'est comme un refrain de chanson, comme un ostinato, toujours la même
chose.
J'peux pas m'arrêter, si j'm'arrête mon corps tremblerait, si
j'm'arrête mes jambes fléchiraient, si j'm'arrête je tombe, si
j'm'arrête, j'le perds...
On m'a dit de ne pas le suivre, nottament
mes proches, que ce n'était pas quelqu'un pour moi, que je devais le
laisser. Même les regards difformes des passants me le criaient, mais
cela n'empêche rien, je continue à le suivre, presque comme une aveugle.
On arrive enfin en haut de la dune de sable.
"Ferme les yeux canard, j'ai une surprise"
Je
ne sais plus trop d'ou me vient ce surnom absurde, que je hais par
dessus tout. Mais je n'ai jamais bronché, pour ne pas l'enerver.
Son sourire est intriguant. Je stresse avant de laisser mes paupières se refermer.
Un mince sourire décoratif se dessine sur mon visage, mais lui n'y voit que du feu.
J'entends des frottements, l'air semble lourd tout d'un coup, j'ai l'impression de suffoquer de l'interieur.
"Ouvre les yeux canard!"
Il me fallut plusieurs secondes avant d'executer sa demande.
Mes yeux se recroquevillèrent sur eux même: un pistolet, un vrai! Comme dans les westerns!
Mais à quoi pouvait il penser? J'étais mitigé entre un sentiment de peur extrème, et de choc profond.
Il
souriait, j'avais les larmes aux yeux, son regard était limpide et
joyeux, le mien noir et vide, il semblait heureux, j'etais tétanisé, il
m'attrapait la main, je reculais, il s'exaltait, je suffoquais...